Cette catastrophe a eu lieu lorsque Mahé de La Bourdonnais était gouverneur de l’Isle de France et il a dû y faire face.
« Lancé à Lorient le 11 juillet 1736, le Saint-Géran était pratiquement achevé un an plus tard ; d’un port de 600 tonneaux, il était armé de 28 canons. A son premier voyage pour Pondichéry, il était commandé par le capitaine L. Laurent Aubin Duplessis. Parti de Lorient le 11 novembre 1737, il fut de retour le 14 juin 1739. Il fut ensuite commandé par le capitaine Porée de La Toche. À son troisième voyage aux Indes sous le commandement du capitaine Drake, le Saint-Géran dut relâcher à l’Isle de France, une épidémie sévissant à bord. Le Saint-Géran devait faire naufrage sur les côtes Nord, Nord-Ouest de l’Isle de France en 1744. Alors commandé par le capitaine Richard de Lamarre, l’équipage était composé de 149 hommes. Aux 13 passagers à bord devaient s’ajouter 30 Noirs embarqués à Gorée. Le vaisseau était en vue des côtes de l’île le 17 août 1744 par très gros temps quand, s’étant approché dangereusement des récifs, il tenta de virer vent arrière. Au moment d’amurer la grande voile à tribord, il talonna et, pris en travers par une très grosse lame, fut jeté sur les récifs. Le grand mât et le mât d’artimon furent coupés. Dans l’excitation qui suivit, les yolles, la chaloupe et les canots furent brisés. Une trentaine de personnes s’élancèrent à l’eau et se noyèrent toutes ». (Extrait de la revue Les cahiers de l’Iroise, texte de Le Juge de Segrais).
Le naufrage du Saint-Géran fut un drame humain considérable avec 183 morts noyés sur la côte est de l’Isle de France dans la nuit du 17 au 18 août 1744. Le gouverneur La Bourdonnais dû faire face à cet horrible drame qui impliqua l’immense travail affectif et douloureux qui en suivit.
Bien que le juge de Segrais ne mentionne pas qu’il y ait eu 9 rescapés, comme l’indique Raymond Hein dans son ouvrage Le Naufrage du Saint-Géran, la légende de Paul et Virginie, il existe une très ancienne mention de ce fait dans une lettre de La Bourdonnais à Dupleix à Pondichéry et qui est partiellement reproduite ci-dessous (extrait du livre de Raymond Hein).
Une lettre du gouverneur La Bourdonnais, reproduite ci-dessous, nous indique bien l’ampleur des graves répercussions sur le plan économique pour les Isles de France et de Bourbon :
Le gouverneur de l’Isle de France, Mahé de La Bourdonnais (1735-1746), avait commandé des cuves et des rouleaux pour sa sucrerie de La Villebague et les attendait avec beaucoup d’impatience. Très attendues également par le gouverneur, des caisses contenant un total de 54 000 piastres envoyées par la Compagnie, les employés de celle-ci n’étant pas payés depuis plus de huit mois, nous dit un arrêté du Conseil de l’Isle Bourbon rédigé deux mois après le naufrage.
Pendant longtemps des recherches sont effectuées dans la « passe du Saint-Géran ». Mais ces recherches opiniâtres restent vaines. Ce n’est qu’en 1964 qu’une équipe de Mauriciens, dirigée par Paul Fleuriau-Chasteau, relance les recherches de l’épave à l’occasion du 150èmeanniversaire du décès de Bernardin de Saint-Pierre. Ils découvrent « une ancre, un canon, un cercle, des membrures et ramènent des rivets, des clous et une membrure ». Mais, après réflexion, des doutes sont exprimés sur la réelle provenance de ces objets. Puis en 1966 des plongeurs découvrent par hasard, près de l’île d’Ambre, des morceaux d’une cloche en bronze. Cette information parvient à M. Paul Daniel qui achète les morceaux. Il s’agit en fait de la cloche du Saint-Géran, actuellement exposée au Musée naval de Mahébourg. Par la suite, en février 1979, une équipe d’archéologues français, menée par Jean-Yves Blot, récupère dans la « passe des Citronniers » près de l’île d’Ambre, de très nombreux objets provenant du Saint-Géran. Ils sont si nombreux, que seulement certains d’entre eux sont cités ci-dessous :
Un dé à coudre en or, une boucle en or, de nombreuses poulies, un morceau de cordage, une pierre à feu, des boulets de canon, des pièces de gréement, un pistolet, une grenade à main, des meules, des clous en bronze, des morceaux de tissus, une aiguille en bronze, une poignée en argent, un grappin, une longue cuillère en étain, des balles de plomb, des piastres espagnoles en argent, une petite fourchette en argent, deux boutons de cuivre, un morceau d’assiette, une fourchette en argent aux armes de Monsieur de Bréhan, des pièces de monnaie française (Louis XV), un bouchon de carafe en verre, un candélabre en bronze tourné, une croix de chapelet.
Photo & coll. D. Piat.
Le Saint-Géran devait sans doute avoir cette belle et fière allure. Coll. D. Piat.
Lors de son séjour à l’Ile de France, de 1768 à 1770, Bernardin de Saint-Pierre s’inspira de l’histoire du Saint-Géran pour écrire, près d’un demi-siècle après le naufrage, son célèbre roman Paul et Virginie.
À gauche, portrait de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737 Le Havre-1814 Éragny-sur-Oise) gravé par J. J. Wedgwood, 1829.
À droite, « Arrivée de Mr de La Bourdonnais » chez Mme. de La Tour, mère de Virginie, pour l’informer du courrier qu’il a reçu concernant l’invitation de sa fille en France par sa tante, pour parfaire l’éducation de Virginie. Lithographie dessinée par Gérard, gravée par Mecou, vers 1880. Collection Denis Piat
Selon un tableau de Pierre Cadre, 1956. Collection privée.
Note : Les informations sur les rescapés du naufrage et les lettres de Mahé de La Bourdonnais sont extraites du livre Pirates et Corsaires à l’Île Maurice de Denis Piat, édition 2014. La reproduction ou la copie des illustrations ci-dessus est interdite.