Patrick Villiers est professeur des Universités, docteur es lettres et sciences humaines, le jeudi 13 mars 2003 au Musée de la Marine, Palais de Chaillot à Paris.
Lors de son intervention, le conférencier a rappelé en liminaire ce qui fait la différence entre la course en Manche et celle qui se pratique dans l’Océan indien au XVIIIème siècle
une croisière en course en Manche dure peu de temps (15 jours environ jusqu’à deux mois à Dunkerque, 4 mois à Saint-Malo); elle se pratique avec des bâtiments légers de 10 à 50 tonneaux environ, 50 à 200 tonneaux et plus rarement 250 à 500 tonneaux. La valeur d’une prise est de l’ordre de 20 à 30.000 livres; les capitaines doivent avoir une très bonne connaissance des marées en Manche et en mer du Nord, de la position et des mouvements des bancs pour échapper aux croiseurs ennemis.
La course en Océan Indien se pratique avec des bâtiments plus importants (200 à 400 tonneaux) afin de pouvoir affronter la haute mer; elle dure environ 6 mois et son calendrier est fort tributaire des moussons. La valeur d’une prise va de 300.000 à 3 millions de livres tournois (ou francs) pour un indiamen. La rentabilité, pour l’armateur, doit prendre en compte tous les frais non seulement sur zone, mais aussi les transits.
Dans les 2 cas, l’armateur privilégie un capitaine chanceux, c’est-à-dire qui fait une course rentable à chaque sortie.
Ont été évoquées successivement plusieurs hautes personnalités : d’Estaing, d’abord colonel aux Indes, puis corsaire à l’Isle de France. Lors d’un raid contre les comptoirs anglais, il occasionne des pertes au commerce anglais, de l’ordre de 40 millions de livres (soit l’équivalent de 2 ans de dépenses militaires du budget de la marine française pendant la guerre de Sept Ans).
Suffren qui fait 53 prises en océan indien, prises qui seront revendues aux Indes et qui assureront le ravitaillement de l’escadre sans revenir à l’Île de France.
Surcouf, d’abord négrier puis corsaire, dont les démêlés avec le gouverneur se traduisent par la confiscation des prises mais permettent aux Mascareignes d’être sauvées de la famine.
Decaen qui, en temps que gouverneur à l’Île de France, avait comme mission de protéger les Mascareignes avec des moyens militaires très faibles et qui dut réquisitionner les corsaires plutôt que de les voir retourner en métropole, fortune faite. Avec Decaen, la guerre de course se fait au profit de l’Etat et non plus des particuliers. Les frégates de l’Empire capturèrent 6 indiamen contre deux pour Surcouf. Elles remportèrent également la victoire de Grand Port les 23-24 août 1810.
En conclusion, la guerre de course a été essentielle pour l’Île de France et pour la Réunion le plus souvent isolées de la métropole sous la révolution puis l’Empire mais la guerre de course arme du faible au fort n’a pas pu empêcher les Anglais de débarquer.