par Jean-Marie Chelin (Extrait de son ouvrage Vol I)
Le Port-Louis connaitra un développement important avec l’arrivée de Mahé de Labourdonnais, le 15 juin 1735. Il mettra en place une infrastructure et des services portuaires nécessaires aux vaisseaux de passage ainsi qu’’un chantier naval. Il recruta des artisans libres des comptoirs français des Indes. Ceux-ci étaient principalement des tamouls, des Indiens parlant le tamil, des bengalis et des télégous, de différents corps de métiers. Les artisans libres, originaires des Indes, se sont installés dans le faubourg de l’Est qui prit par la suite le nom de camp des Malabars. On y retrouvait des charpentiers, maçons, forgerons, tailleurs, cordonniers ainsi que des marins, bateliers et dockers pour le service du port. De la main d’oeuvre servile, importée d’Afrique, de Madagascar et d’Inde, fut formée aux différents métiers par les ouvriers indiens libres.
En 1735, le Port-Louis fut doté de deux magasins de 54 toises et de l’Hôtel du Gouvernement qui fut terminé en décembre 1736. Une chapelle dite du Saint Esprit et du Conseil fut construite à gauche de l’Hôtel du gouvernement. Elle changera de nom en Chapelle Sainte Anne après le transfert des restes de l’épouse et du fils de Mahé de Labourdonnais. Le Port et la ville seront fortifiés et défendus par des ouvrages militaires ; un hôpital fut construit à la Pointe des Forges, il pouvait être converti en magasin si le besoin s’en faisait sentir. Le 21 janvier 1736, le père Gerbault, curé de l’église Saint Louis, conféra le premier baptême à des adultes libres, deux tamouls, Alexandre Cournadin et Pierre Tandaven, qui avaient pour parrain Alexandre Sornay, ingénieur du Roi.
Source : Dr Harold Adolphe – Registres paroissiaux.
À l’arrivée de Labourdonnais, les sources de la montagne du Pouce fournissaient l’eau nécessaire aux besoins de la ville. Elles faisaient se mouvoir le premier moulin à blé construit dans la colonie, dans l’enfoncement situé entre le Champ de Mars et le Champ de Lort, qui prit plus tard le nom de Bouchaud, du nom de l’entrepreneur de la boucherie de l’État installé dans cet endroit. Lorsque ce ruisseau tarissait on ne trouvait de l’eau qu’à une lieue de la ville.
Extrait de Mahé de Labourdonnais 1699-1899. Documents réunis par le comité du Bicentenaire de Labourdonnais. E.Pezzani, Imprimeur Éditeur Rue de la Poudrière 1899.
Labourdonnais, en association avec le sieur Petit, se chargea de faire bâtir des maisons pour le compte des particuliers sur les concessions, d’environ 30 toises, qui étaient remises aux colons désirant s’installer au Port-Louis. Il fournira la main d’oeuvre et engagera des maçons d’origine indienne, qui arrivèrent dans l’île au mois de mars 1736, alors que d’autres entrepreneurs fournissaient des matériaux au prix de la compagnie. Bientôt d’autres maçons et charpentiers entrèrent en compétition avec le sieur Petit. Une maison moyenne mesurait 30 pieds de long sur seize de large, avec une cour de devant en pierre de moellons mélangés de sable. Ces maisons étaient munies de six fenêtres et de trois portes mais n’avaient pas d’étages. Les maisons les plus riches étaient couvertes de planches, les plus modestes de feuilles de palmier ou latanier. On prit également l’habitude de construire une cuisine attenante au logis. Les cuisines étaient le plus souvent non couvertes.
Extraits de Ile de France 1715-1746 l’Émergence de Port-Louis tome 1 d’Huguette Ly-Tio-Fane Pineo.
Fin 1736, Labourdonnais commença la construction de l’église St Louis surl’emplacement formé par les rues Royales, Sir William Newton, La Reine et Bourbon (actuel emplacement de la Mauritius Commercial Bank Ltd) pour remplacer la chapelle paillote de 1727. La petite église sera inaugurée le 6 octobre 1737 ; la cérémonie attira un grand nombre de fidèles et de notables dont le Gouverneur Mahé de Labourdonnais et Madame. Le bâtiment, long de 99 pieds, 20 pieds de large et 10 pieds de haut, est couvert par un toit en bardeaux. L’ensemble, équipé de six fenêtres et d’une sacristie, ressemble à une petite église de village. Un acte de prise de possession du lieu en date du 6 octobre 1737, préparé par les notaires de Merville de St Remy et René Colbert, est signé par Gabriel Igou, prêtre de la congrégation de la Mission et les officiels de l’île dont Mahé de Labourdonnais, les conseillers Jean Baptiste Azéma et Charles François Giblot, Pierre Duhoux de Prages, Etienne Claude Hargenvilliers, Antoine Nicolas Hernauet, Joseph de Bouloc, J.Claude Duplessis, Jean Baptiste Giblot . Labourdonnais fit construire le presbytère, puis des annexes : un pigeonnier noble, un pavillon de deux pièces, des logements pour les esclaves, l’écurie des chevaux et la remise de la calèche, le magasin et la cuisine. Le 16 février 1738, l’église accueillera la dépouille de François Gilles, fils de Labourdonnais, puis le 9 mai 1738 celle de sa mère Anne de Labourdonnais. Leurs restes seront transférés à la chapelle SainteAnne située non loin de l’Hôtel du Gouvernement. L’Église St Louis sera dotée de cloches ; la première, Françoise, fut reçue le 11 mars 1738 ; la seconde, Marie Charlotte, le 15 août 1746. L’église restera en service durant 45 années. Tous les dimanches, la grand-messe était suivie d’une coutume civique : le crieur public, ayant fait entendre son roulement de tambour, proclamait à haute voix les avis publics notamment les arrêtés et décrets des autorités concernant la colonie et le chef-lieu.
Extraits de Cathédrale Saint-Louis d’Amédée Nagapen.
Labourdonnais encouragea la vente de marchandises au port par les pacotilles. Il fut lui-même associé à cette activité. Il fit venir des tailleurs, des orfèvres et des tanneurs de l’Inde et leur fournit des fonds pour débuter leur activité. Pour amuser la population, il fit construire un petit théâtre où l’on jouait la comédie.
Extraits de Ile de France 1715-1746 l’Émergence de Port -Louis tome 1 d’Huguette Ly-Tio-Fane Pineo.